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LA MAGIE DU SUD MAROCAIN
Le camping « Prends ton temps » est organisé en deux parties, l'une est réservée aux campings car, l'autre à l'hôtellerie de passage, quelques chambres et cabanes sont disponibles. Une petite pièce d'eau et quelques palmiers sont le centre de cette partie du campement. Autour, les chambres et cabanes dont les portes et les murs sont décorés de tableaux (peints par Bélaïd) représentants des paysages et des scènes de désert de circonstance. Des tentes Berbères pour la restauration et les spectacles ainsi que le bureau d'accueil complètent cette partie des installations. Chaque membre du personnel, en tenue traditionnelle vient nous souhaiter la bienvenue et veille avec attention à notre bien être. Jo et moi apprécions particulièrement la gentillesse et l'attention que nous portent ces gens, nous ne nous sentons ni touriste, ni client mais « amis », c'est ce qui fait la différence. Bélaïd nous offre le thé de bienvenue que nous prendrons, au soleil, sur une table près de l'accueil. Ce personnage, haut en couleur, de forte corpulence dans sa djellaba verte et son chèche blanc sur le crâne tient plus d'un prince du désert que du gérant de camping qu'il est. Ancien parachutiste des forces armées royales du Maroc durant dix sept années, il a baroudé dans le désert du Sahara occidental et sur la frontière Algéro-Marocaine aux trousses du Polisario. Son équipe, il l'a recrutée parmi ses frères d'arme, en particulier, le chauffeur du 4x4 et son chamelier dont il dit qu'il a un GPS dans la tête.
Ces gens, Berbères nomades d'origine, sont les guides expérimentés qui accompagnent les clients lors des séjours organisés dans le désert dont ils connaissent chaque caillou. Jo rêve depuis longtemps de désert au ciel étoilé et de dunes de sable ; aussi, n'avons-nous pas hésité quand, un membre de l'équipe de gestion est venu nous proposer un jour et une nuit de périple en 4x4 et dromadaire, ce sera pour demain. Le soir venu, nous avons, avec d'autres camping caristes, dîné sous la grande tente Berbère d'un bon couscous servi par Bélaïd lui-même tant il tient à la perfection de ses prestations. A la fin du repas, toute l'équipe de « prends ton temps » en tenue traditionnelle fait son entrée sous la tente et nous interprète des musiques et des chants composés par Bélaïd en personne .Lui même joue du luth à douze cordes et chante en fermant les yeux, son pays et la vallée du Draa qu'il aime de tout son cœur. Cette musique, rythmée par les djembés et les tratchs genre de castagnettes en métal et les refrains repris en chœur par les musiciens nous transportent, loin, dans les sables et la magie du désert. J'ai beaucoup pensé à mon garçon, Stéphane, que j'aurais souhaité à mes côtés durant cette soirée, tant il aime cette musique, il aurait activement participé au spectacle, au djembé assurément ! C'est la tête, déjà dans les étoiles que nous avons rejoint notre maison pour la nuit, demain,réveil à sept heures pour un rendez vous à neuf avec Bélaïd et notre guide.
Notre guide nous emmène à travers les ruelles de la ville vers la kasbah souterraine. Cette très vieille construction en pisé toujours habitée, a évolué au fil du temps et des besoins sous le niveau du sol pour abriter les habitants des vents de sable et de la chaleur. C'est un véritable labyrinthe de couloirs sombres et étroits sur lesquels s'ouvrent directement les portes des habitations. Parfois surgit à l'improviste, dans le noir l'ombre furtive d'un habitant et il faut se coller dos au mur pour laisser passer. J'ai l'impression d'être une chauve souris évoluant dans la nuit d'un cachot mais mon sonar est en panne aussi m'arrive t'il d'embrasser un Berbère au débouché d'une porte et après le pas de deux traditionnel et de plates excuses, je me plaque au mur pour céder le passage à ce Belphégor des profondeurs qui disparait dans le noir en maugréant. Arrivé dans un carrefour de couloirs, notre guide nous fait observer que les habitations sont sur plusieurs étages et que de minuscules fenêtres permettent aux femmes de voir ce qui y circule et continuant son chemin dans le noir il murmure ironique : « téléphone berbère ». Soudain, celui-ci s'arrête devant une porte et cherche désespérément à allumer son briquet pour éclairer le passage. Jo, opportuniste, extrait de son sac la lampe de poche qui nous permet de franchir l'obstacle en l'occurrence des escaliers très raides et étroits qui nous mènent vers la lumière du jour. C'est avec un certain soulagement, je dois l'avouer, que je retrouve l'air libre, cette ambiance souterraine un peu oppressante n'étant pas de mon goût.
Nous nous trouvons dans une sorte de cour, domaine des potiers qui, comme partout ailleurs au Maroc, travaillent à même le sol. C'est une coopérative de sept familles qui exerce de manière traditionnelle, un des plus vieux métiers du monde. L'argile est malaxée aux pieds par de jeunes garçons et les pâtons obtenus sont transmis au potier qui, assit au fond d'une grotte, active d'un pied le tour, sur le plateau duquel, il monte habilement de ses mains humectées, une forme qui deviendra un pot. Il y a sept fours en terre, au sol également, un par famille, dans lesquels seront empilées les poteries qui seront cuites au bois de cèdre, seul combustible adapté d'après notre guide. L'Allemagne à une époque a fait don de deux fours à gaz pour moderniser la fabrication des poteries, mais, trop sophistiquées probablement, ces installations finissent de pourrir dans un coin de la cour. Le bois de cèdre continue d'être acheminé à dos de bourricots des quatre coins de la région et est empilé en tas au bord du chemin. Nous terminerons la visite par le magasin de la coopérative où de véritables œuvres d'art sont exposées.
Nous rejoignons le 4x4 où nous attendent Bélaïd et son chauffeur et prenons la piste qui, à travers les douars, les palmeraies, les jardins et les vergers nous fait découvrir des paysages magnifiques de la campagne agricole du Draa. La pluie tombe depuis quelques instants et rend la piste glissante mais notre chauffeur se tire habilement des chausses trappes du parcours la musique coranique à fond nous roulons vers le désert. Entre deux murs nous croisons un paysan sur son âne, transportant des bottes de carottes, Bélaïd fait stopper le 4x4 et s'en va négocier quelques bottes qui agrémenteront les tagines et couscous de la semaine. Nous ferons une halte dans « l'oasis sacrée » qui doit son nom à l'eau toujours présente, même par les sécheresses les plus rudes et qui constitue une halte providentielle pour les caravanes de nomades qui traversent la région.
Quelques photos plus tard, nous reprenons la piste, la pluie redouble, les éclairs déchirent le ciel, c'est un véritable orage qui s'abat sur le désert caillouteux que nous traversons. L'eau ruisselle partout et la piste devient boueuse, notre chauffeur doit souvent rebrousser chemin pour trouver un passage entre les rochers et retrouver plus loin la bonne trajectoire. La grêle à son tour vient claquer aux fenêtres de la « Mitsubishi » et nous n'y voyons plus guère mais il en faut plus pour déstabiliser notre chauffeur qui continue sa route en nous propulsant au plafond. Bélaïd nous dit que cette période pluvieuse est une bénédiction pour les nomades et leurs animaux mais nous annonce le soleil et le ciel bleu dans les dunes, but de notre voyage. Le spectacle de cette fin d'orage sur le désert est de toute beauté, l'eau court partout, d'un côté, le sol est rayé de galets blancs et noirs comme disposés par une main invisible. De l'autre, les vagues de sable à l'infini et l'herbe verte qui tapisse le sol, puis, au loin l'arc en ciel, c'est féérique !
La pluie a cessé depuis un moment quand nous arrivons à un village de tentes berbères perdu dans les dunes. Nous y déjeunerons d'un tajine, sur une table basse servie par notre hôte toujours prompt à nous faire plaisir. En arrivant nous avons remarqué le troupeau de dromadaires entravés quelques tentes plus loin, destiné à notre digestion. C'est donc vers ces charmantes bestioles que nous nous dirigeons pour une séance de 4x4 berbère. Nous assistons au bâttage de la bête destinée à Jo. L'animal ne semble pas du tout d'accord avec son chamelier sur l'attitude à adopter devant la « Reine du désert » aussi, manifeste t'elle énergiquement en balançant son cou de tous les côtés pour éviter le licol. Le mien, l'œil torve, l'écume aux lèvres, la tête au ras du sol n'attend que le bon moment pour me jouer un tour à sa façon, je le devine à son air « faux cul ». Nous enfourchons nos montures avec l'aide du chamelier et agrippons fermement le guidon prévu à cet effet, la mise debout des dromadaires nous donne un aperçu du confort relatif des « vaisseaux du désert ». Balancés d'avant en arrière, crispés, tendus, cramponnés à notre guidon comme à une bouée de sauvetage, nous louvoyons dans les dunes sans vraiment les voir. Je me retourne pour observer Jo et l'encourager mais, bizarrement tout va bien pour elle, il faut dire qu'elle a déjà passé son permis de dromadaire en Tunisie lors d'un précédent voyage, rien ne remplacera jamais l'expérience. Mon méhara émet des bruits bizarres, une sorte de rôts caverneux qui ne me prédisent rien de bon, puis la langue pendante, il redresse la tête et dans un frrrrr... rageur m'asperge la jambe droite d'un flot de bave puante .Je le savais , me voici baptisé « nomade berbère ». Après trois quart d'heure d'une promenade moyennement appréciée, la pluie revient à la charge, notre 4x4 nous rejoint et nous évite ainsi la rincée. Je change de monture sans un regard pour ce vil animal bossu, afin de bien lui signifier mon dédain.
Nous reprenons la piste détrempée et les glissades succèdent aux dérapages, les embardées aux patinages mais toujours stoïque notre pilote enturbanné au bout de deux heures, pointe du doigt des formes brunes, à peine visibles, perdues la bas, au loin dans les sables et nous annonce : « les dunes de Scheg Aga, le camp de nomade ». En fin d'après midi nous arrivons enfin à destination, sous le ciel bleu et le soleil annoncé ce matin par Bélaïd, je le félicite pour la qualité de son organisation. Son bon gros rire résonne dans les dunes et une claque amicale dans le dos me coupe le souffle. Nous sommes accueillis par le personnel et le traditionnel thé à la menthe. On nous installe sous la tente qui nous abritera pour la nuit et pendant la préparation du repas nous découvrons le camp et les dunes. Monté de toute pièce pour les « crapahuteurs du désert », ce bivouac n'a de berbère que sa ressemblance avec un village de nomades, les structures en béton l'attestent, la partie sanitaire aussi, équipée qu'elle est d'un chauffe eau à bois. Peu importe, les dunes elles sont bien en sable balayées par le vent et le ciel d'un bleu profond de carte postale. La pluie a durci le sable en une croute assez résistante, ce qui nous permet de nous déplacer assez facilement. Ainsi, de dune en dune nous nous éloignons et prenons de la hauteur. Aussi loin que porte notre regard, les dunes et le désert, excepté là bas, dans l'ouest une palmeraie et d'immenses pâtures où paissent des dromadaires. Plus au loin encore, des points brunâtres, un autre camp berbère propriété probable d'un tour opérator quelconque.
Nous rejoignons notre campement et en particulier la tente restaurant où nous attendent les plats traditionnels, salade marocaine, tajine et thé à la menthe préparés par Bélaïd et son équipe. La soirée se terminera autour d'un feu de camp, les chants du Draa, le luth du seigneur du désert, les crotales et les djembés résonnent encore dans nos têtes. La lune et les étoiles éclairent les tentes et les dunes, un troupeau de dromadaires et son chamelier arrivent dans la pénombre pour passer la nuit aux alentours, nous les verrons repartir le lendemain vers leurs pâturages. Le vent et le froid nous poussent vers notre tente pour une nuit rustique dans les volées de sable car il n'y a pas de porte dans la tente berbère mais une couverture qui flottera longtemps au gré des rafales. Au matin, après un petit déjeuner réconfortant, nous reprendrons les pistes dans un désert verdoyant, où des ruisseaux d'eau courent par endroit, nous rejoindrons notre camping en fin de matinée, cassés par les secousses du 4x4 mais heureux d'une belle expérience.
08-09-10 Février 2009 :
Le temps est magnifique sur Zagora où nous resterons deux journées supplémentaires ayant décidé de faire renforcer les suspensions de notre camion qui sont mises à mal dans les nids de poule et fondrières des pistes marocaines. Un mécanicien de talent est installé à Zagora, signalé sur notre guide, il intervenait sur les véhicules du Paris Dakar et était particulièrement recherché par les équipes espagnoles qui l'ont baptisé « el gordito » pour sa faconde et sa « débrouillardise ». Je déposerai Totor chez « el gordito » qui ajoutera une lame de suspension par roue et deux amortisseurs renforcés à l'arrière. Le garage ne ressemble en rien à ceux rencontrés sur notre route tant il est spacieux, ordonné, propre et bien équipé. Réalisée sans délai, de qualité irréprochable, pour un prix incomparable avec ceux pratiqués en France, nous ne pouvons que nous féliciter de la prestation. Grand merci à « el gordito ». Jo a soigné un apprenti du garage qui, penaud, a avoué avoir reçu une « raclée » de fatma qui lui a labouré la joue avec ses ongles. La pharmacie décorée par Jo, d'un côté de la croix rouge traditionnelle et du croissant rouge de l'autre a fait sensation dans le garage et chacun des apprentis est venu s'y faire dorloter par l'infirmière de service.
Nous avons passé une nuit dans la « chambre du calme » mise à notre disposition par Bélaïd. Après un bon couscous, la musique et les chants traditionnels de « Prends ton temps » ont résonné dans la tente, plusieurs camping caristes ont participé à la soirée et une dame, transcendée par le rythme des tambours s'est mise à danser. Au matin nous avons pris le petit déjeuner au soleil en compagnie de notre hôte et avons déambulé dans les rues de Zagora. Nous avons récupéré notre camion au garage en milieu d'après midi et installé celui-ci sur le camping pour une dernière nuit sous les palmiers.
Après des adieux chaleureux nous avons repris la route et garderons un excellent souvenir de « Prends ton temps ».
Salut Bélaïd ! Qu'Allah te protège ! Nous nous reverrons un jour Inch Allah !
Nous remontons la vallée du Draa par la seule route existante en direction de Agdz, nous ne nous lassons pas de ces paysages du sud marocain où se côtoient la verdure des palmeraies et l'aridité ocre du Jbel Sarhro d'un côté et des contreforts noirs de l'Anti Atlas de l'autre. Nous arrivons à Agdz en milieu de journée où le souk a déballé son fatras pour le commerce « hebdromadaire » qui crée l'indispensable remue ménage sans quoi le Maroc ne serait pas le Maroc. Jo y retrouvera son copain Rachid, petit commerçant du coin et musicien à ses heures rencontré à l'aller. Celui-ci la drive au cœur des étalages pour quelques achats et lui fait cadeau d'un CD de son groupe à écouter sans modération ! Bof. Nous rejoindrons le camping de la « Kasbah de la palmeraie » déjà fréquenté à l'aller afin d'y passer la nuit.
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