-
JORDANIE
VOYAGE EN JORDANIE
23 décembre 2009
Nous avons repris la route de Bosra en sens inverse afin de rejoindre la quatre voies qui mène au sud et notamment à la frontière syro-jordanienne. Après les contrôles règlementaires en territoire syrien, nous arrivons dans la zone tampon où une activité particulière règne autour du commerce détaxé de « Duty free ». On y voit beaucoup de taxis syriens reconditionnant les cartouches de cigarettes en petits blocs de cinq paquets qu’ils enroulent de collant adhésif avant de les cacher dans tous les endroits creux de leur véhicule. Le trafic va bon train au vu et au su de tous sauf des douaniers qui font semblant de ne rien voir.
Nous essayons de retirer de l’argent jordanien à un distributeur automatique qui fonctionne normalement jusqu’à la dernière opération, mais on attend toujours les billets. Le passage à la frontière jordanienne se fait sans problème ; deux douaniers visitent notre camping-car avec le sourire avant de nous autoriser l’entrée de leur pays. La voiture jordanienne qui est devant nous a plus de problèmes, son contenu est répandu sur le trottoir et passé au peigne fin par les gabelous.
Nous sommes maintenant en Jordanie, il fait très beau et par Irbid, nous nous rendons à Ajlun pour visiter un château fort arabe Qualaat er Rabadh perché sur un piton rocheux. Par une route très raide, nous rejoignons le parking de l’hôtel restaurant Al Jabal où nous sommes fort bien accueillis par Elies, Hissan, Nasser qui feront tout pour nous faciliter le séjour.
Ajlun Jordanie
24 décembre 2009
Elies, de nationalité tunisienne, parle très bien français ce qui nous facilite la tâche. Il s’occupe de nos dix kilos de linge que Jo n’aura plus qu’à ranger dans les placards. Il fait remplir nos deux bouteilles de propane à Je rash car nous étions en panne. Il nous fournit l’eau nécessaire au remplissage de notre réservoir, donne les consignes à notre chauffeur de taxi pour nous guider dans la ville. Il nous a offert des gâteaux et le café. Il est l’homme à tout faire de l’hôtel et même le « décorateur » puisqu’il rénove les peintures et décorations des lieux.
Hissan est en charge du restaurant, il est venu chaque jour nous offrir gâteaux ou café et s’enquérir de notre bien être ; il adore notre camping car à bord duquel il a souhaité se faire prendre en photo. Il est syrien. Nasser est le réceptionniste, plus en retrait car il ne parle ni anglais ni français mais il a vérifié à chaque instant que nous ne manquions de rien ; il est syrien.
Hissan de l'hôtel Al Jabal
Nous avons vraiment apprécié le personnel de l’hôtel Al Jabal pour son efficacité, sa disponibilité et sa gentillesse. Nous les remercions du fond du cœur, ils seront un bon souvenir de notre voyage.
25 décembre 2009
La forteresse d'Ajlun
Il faut grimper deux kilomètres à pied pour atteindre la forteresse de Qualaat et Rabadh qui fut construite vers 1184 sur les ordres d’un cousin de Saladin. Obstacle sur la route des croisés francs, elle perdra de son importance après la défaite de ceux-ci vers 1189. A son sommet, nous avons une vue superbe sur la vallée du Jourdain ainsi que sur les monts de l’antique Judée et à l’est, sur les montagnes boisées de pins d’Alep et de chênes.
La forteresse d'Ajlun
Un petit musée expose les poteries, bijoux, outils, pièces de monnaies trouvés sur le site. Nous trouvons sur le livre d’or de celui-ci la trace du passage de la famille Mayet en date du 17 décembre 2009.
French, Mayet family
Nous prenons un thé à la menthe dans la cour du château servi par un commerçant qui utilise une grosse théière chauffée par du charbon de bois qui se consume dans le fourneau au sommet de celle-ci.
Ajlun le marchand de thé
Nous sommes retournés à notre camping-car et Elies est venu nous rejoindre avec une assiette de petits gâteaux. Tout en buvant un café, il nous a raconté sa vie de Tunisie où il est né en passa nt par Toulon où il a résidé durant 14 ans ; il était guide sur le site de Petra où il a eu quelques ennuis avec des collègues. Il était marié et avait un fils qui est décédé à 4 ans faute d’avoir pu être soigné dans de bonnes conditions. Il l’a enterré et a abandonné son épouse qu’il accuse de n’avoir pas été assez réactive lors de cet évènement dramatique. Alors, il a un emploi dans l’hôtel restaurant Al Jabal, il y a une chambre, gagne 130 JD par mois et croit en l’avenir.
26 décembre 2009
Ajlun, l'hôtel Al Jabal
Après un dernier café offert par la maison, nous faisons nos adieux à l’hôtel Al Jabal et à son personnel. Elies est venu nous saluer tôt ce matin car aujourd’hui est son jour de repos et il a rendez-vous en ville.
Jerash le nimpheum
Nous ne faisons qu’un saut de puce de 50 km pour rejoindre Jerash, célèbre dans le monde entier pour son magnifique site antique. La cité historique est enfermée dans une clôture grillagée tandis que la ville neuve s’étend très loin aux alentours. Il faut entrer par le « Tourists Center », payer l’entrée et, par la grande cour face à la police touristique, pénétrer sur le site antique par l’arc d’ Hadrien ; sur la gauche, il y a l’hippodrome très bien conservé avec ses gradins, il sert aux animations comme cette course de chars romains programmée pour l’après midi à 14 heures. Il a été construit au 2èmesiècle et contenait 14 000 spectateurs, 10 chars au maximum pouvaient y courir.
Jerash les belles colonnes
Ensuite, une petite église dite de l’Evêque Marianos découverte il y a peu ; on y voit de belles mosaïques au sol.Nous entrons dans la ville proprement dite par la porte sud et on découvre sur notre gauche un pressoir à huile. Une belle voie dallée mène jusqu’à la place ovale ; de part et d’autre de cette voie étaient des commerces dont on voit encore les boutiques. La place ovale, elliptique en fait, se trouve au pied du temple de Zeus ; elle a longtemps été prise pour le forum mais était une esplanade sacrée car un autel sacrificiel était placé en son centre. Son pavage concentrique donne une belle allure à cette place entourée de colonnes aux beaux chapiteaux.
Jerash la place ovale
On accède au cardo maximus, boulevard central qui traverse la ville du nord au sud sur 800 mètres environ ; le cardo est également bordé de colonnades et de niches dans lesquelles étaient probablement des statues. Le cardo donnait accès aux monuments les plus importants : Nymphée, temple de Dionysos, d’Artémis et le marché (marcellum). Il coupe une artère transversale, ce carrefour est symbolisé en son centre par un monument à 4 portes, le tetrapyle dont quatre niches face aux quatre allées devaient contenir des statues aujourd’hui disparues.
Jerash le tétrapyle
Nous remontons ainsi l’immense cardo jusqu’au théâtre nord qui aurait été construit sous Marc Aurèle ; il semble que son utilisation à l’époque était destinée aux réunions du conseil municipal ; il pouvait contenir 1600 personnes et sur les sièges était gravé le nom des tribus qui composaient le conseil.
Jerash le théatre et ses musiciens
Je n’en dirai pas plus sur cette grande cité sinon qu’elle est à nos yeux peut être la plus belle et la mieux conservé de toutes celles que nous avons visitées, Turquie, Syrie et Jordanie confondues. Nous avons passé quatre heures à Jérash, nous aurions pu y passer plusieurs jours sans jamais espérer en avoir fait le tour.
Dans le grand théâtre nord, nous avons assisté à un concert de cornemuse donné par des musiciens en tenue de l’armée du désert de Jordanie. Nous avons passé la nuit sur le parking du « Center Tourists » et avons partagé notre soirée avec un des gardiens du site Mahmoud avec qui nous avons travaillé notre anglais à partir du « Gépalémo » de Jo. Ce papy sympathique a bloqué sur le condom et la protection féminine périodique ; il n’en connaissait ni l’existence ni l’utilisation. Il a 6 garçons et 4 filles et une maison avec 2 petites chambres pour y loger tout le monde.
27 décembre 2009
Amman rue commerçante
Départ en fin de matinée pour Amman la capitale jordanienne. Notre guide annonce la couleur ; cette ville ne mérite que peu d’intérêt historiquement pauvre, extrêmement dispersée sur les collines qui étirent la ville sur 15 km et architecturalement sans intérêt ; elle ne vaut que par son théâtre romain et sa citadelle haut perchée.
Amman le théatre et la police féminine
Nous n’avons qu’une vague adresse pour un hébergement en périphérie ; nous nous faisons aider par un taxi local qui nous abandonne sur la route de l’aéroport après nous avoir escroqué 70 euros. Nous devons faire le plein de gasoil du camion et en profitons pour demander conseil pour un parc ou parking pour deux nuits maximum.
Suzan, notre interlocutrice, tous sourires, nous invite à nous installer derrière la station. Très gentille, elle nous trouve une prise électrique ; nous sommes stationnés sous une caméra de vidéosurveillance, sécurité maximale ; Suzan nous offre le café, tout est bien dans le meilleur des mondes ; elle nous présente à son personnel car elle gère un centre routier doublé d’une agence de tourisme.
Nous visitons Amman le lendemain ; la ville est immense, impossible à visiter à pied ; nous nous contentons du quartier ancien, de son théâtre fort bien restauré, du musée des traditions populaires et du grand souk le long de Quraish Street.
Le Roi Abdallah et feu son père Hussein sont partout, sur les immeubles publics, sur les murs et les places, en tous matériaux, en toutes tailles et toutes tenues. Le roi et le petit prince héritier donnent un air très paternaliste à cette vague publicitaire et rassurent le bon peuple jordanien sur l’avenir de la dynastie hachémite et de son pouvoir.
Nous reprenons un petit taxi jaune après en avoir fixé le prix de la course (on ne sait jamais) et nous retournons à notre station JAMAL PLAZA STATION, route de l’aéroport. Nous dinons d’un sandwich et d’une bière au restaurant de la station et sommes l’objet de toute l’attention de Suzan et de son personnel. Heureux que nous sommes, nous rejoignons Totor pour une nuit calme et sereine.
28 décembre 2009
Au matin, après la douche et le plein d’eau de notre réservoir, nous avons droit à la bise de Suzan et à son sourire ; c’est bon pour le cœur et le moral, un petit café en prime et nous sommes prêts pour passer en caisse. L’addition est salée : 150 JD pour deux nuits de parking à bord de notre camion. C’est le prix de deux chambres d’hôtel. Je remballe discrètement le billet de 20 JD préparé auparavant et Jo s’éclipse pour chercher à bord le complément. Nathalie Mayet nous avait exprimé son ressentiment à l’égard des commerçants jordaniens qui, d’après elle, assassinent les touristes avec le sourire. Je confirme !!
Si d’aventures, amis camping-caristes ou amateurs de voyages, vous étiez tenté par un séjour en Jordanie, méfiez-vous du sourire enjôleur des dames des stations « Jamal Plaza » et des agences touristiques « Lords Travel & Tourism », particulièrement sur la route « Airport High Way » à Amman, la traditionnelle hospitalité arabe y est toujours pratiquée, mais à quel prix !!
Un peu dépités, nous quittons la station d’essence dont je veux oublier le nom et Suzan dont je n’oublierai pas le sien. Nous prenons la direction du Madaba et du mont Nebo site biblique où serait enterré Moise, pour les musulmans. Distant d’une quarantaine de kilomètres d’Amman, nous sommes rapidement sur le parking gardé par la police touristique. Nous devons présenter nos passeports et expliquer nos intentions avant d’être accueillis par le Welcome de circonstance.
Mont Nebo Jordanie
Le mont Nebo est en fait le djebel Siyagha et pointe à 823 mètre d’altitude. Il constitue un superbe panorama d’où l’on devrait voir, comme Moise, la mer Morte, la Samarie, la Judée et Jericho, terres promises par Dieu à Abraham d’après le Deutéronome. Mais aujourd’hui le temps est brumeux et nous n’apercevons que les monts environnants, tas de pierres parsemés d’oliviers.
Mont Nebo la croix
Un œuvre d’art au centre du site commémore la venue en ces lieux du Pape Jean-Paul II en 2000. Un peu plus loin c’est une stèle qui rappelle le passage de Moise au mont Nebo. Puis une grosse pierre ronde qui serait la porte de l’ancien monastère du 6èmesiècle mis à jour en 1933 par des Franciscains.
Mont Nebo mémorial de Moïse
Nous découvrons aussi toute une série de mosaïques de l’époque byzantine, héritage de l’antiquité païenne et dont les artistes utilisaient une symbolique destinée à n’être comprise que par eux. Un petit musée met en valeur un certain nombre de pièces trouvées sur le site prouvent la présence de l’homme en ces lieux depuis la nuit des temps. Nous terminons la visite par une promenade dans la montagne environnante afin d’en apprécier la beauté sauvage en cet après midi ensoleillé.
Mont Nebo les céramiques
Nous reprenons la route des Rois qui file ver le sud jusqu’à Al Karak, capital de la région croisée d’outre Jourdain vers 1115. Nous installons notre camion sur un parc à bus au pied du château fort.
29 décembre 2009
Kerak la forteresse
Il a plu cette nuit, il fait froid ce matin, nous prenons nos précautions et nous nous habillons chaudement. Le ciel est gris mais on sent le soleil pas loin derrière les nuages. A pied, nous prenons la route très pentue qui grimpe au château. Nous pourrions tenter l’escalade des glacis qui se trouvent non loin de nous mais ceux-ci occupent tout le flanc Est de la montagne et la pente est si impressionnante que son escalade en est impossible. Saladin essaya par deux fois en 1183 et 1184 d’enlever ce bastion franc, fief de Renaud de Châtillon, mais il dut renoncer.
Kerak la forteresse
Après une bonne heure de marche, nous atteignons la passerelle qui nous fait franchir le fossé d’enceinte ; autrefois c’était un pont-levis qui contrôlait l’entrée. A première vue, des restaurations sont en cours mais l’ensemble est assez délabré. Le point de vue est impressionnant sur la vallée du Wadi Karak et sur la ville nouvelle.
Dans la citadelle s’est développée une communauté importante d’arabes chrétiens autour d’un monastère qui y était intégré ; le christianisme s’y est développé jusqu’au 14èmesiècle ce qui permit aux croisés de s’y installer et à Renaud de Châtillon d’en faire son repaire. Ce château fort fut repris par les musulmans en 1187 après une bataille non loin du lac de Tibériade ou l’essentiel de la chevalerie franque fut faite prisonnière. Saladin, grand seigneur, traita ses prisonniers avec magnanimité mais occis de ses mains Renaud de Châtillon bandit de grands chemins ; malgré son titre de chevalerie, il n’avait aucun scrupule ni aucune parole vis-à-vis des musulmans qu’il pourfendait. Le château fut remanié par les arabes et considérablement renforcé ; mais en 1263 les Mamelouks du sultan Baybars s’emparèrent du Kérak.
30 – 31 décembre 2009
Nous avons eu beaucoup de mal à récupérer la route des Rois depuis Kerak tant la signalisation est déficiente mais nous retrouvons celle-ci après avoir emprunté l’autoroute du désert et bifurqué vers Tafila. Auparavant, nous avons passé la nuit sur le parking d’un hôtel-restaurant-bazar à touristes à Sultani.
Il a plu dans la nuit et au matin nous avons repris la route des camions du désert qui transportent des containers au port d’Aqaba. Cette immense ligne droite traverse la steppe jordanienne, monotone et dangereuse à cause de la vitesse des poids lourds. Nous quittons donc l’autoroute, direction Tafila, sur la route des Rois, et une route qui ne figure pas sur notre carte permet de rejoindre la réserve ornithologique de Dana que nous envisageons de rallier.
Sur la route du désert
Mais cette route s’élève très rapidement vers 1500 m d’altitude et nous pénétrons dans une nappe de brouillard très dense qui ne nous lâchera pas jusqu’à destination. Heureusement la route est très peu fréquentée et les quelques véhicules y circulant, roulent avec le warning. Nous passons à proximité de la réserve mais continuons notre chemin car observer des oiseaux par temps de brouillard, ce n’est pas le mieux.
Nous continuons donc jusqu’à Pétra, le brouillard disparaitra dès que nous serons revenus à 1000 m d’altitude. Les parkings proposés aux abords de la cité nabatéenne sont tous en pente et nous cherchons à pied l’endroit idéal que nous trouverons non loin du « Visitors Center » près du haras de la princesse Nour qui héberge la cinquantaine de chevaux destinés au transport des touristes fatigués. Ce soir, Jo et moi veillons un peu plus tard, histoire de basculer dans la nouvelle année sous la lune de Pétra. Le téléphone fonctionne allègrement entre la France et le site nabatéen, toute la famille se trouve réunie par voie hertzienne sur une des merveilles du monde antique.
Bonne Année 2010 à tous ceux que nous aimons !!
1 – 2 – 3 janvier 2010
Nous entrons dans la nouvelle année sous un soleil radieux et sur le site de Pétra la Rose par le Visitors Center. Nous passons trois journées dans cet endroit unique au monde pour la modique somme de 86 JD. J’ai lu beaucoup, j’ai visionné de nombreuses photos, j’ai vu des documentaires et des films sur ce sujet, donc j’ai une idée précise (c’est ce que je croyais) sur la question.
Aussi, d’un pas décidé, Jo et moi entamons la longue descente qui mène jusqu’aux premiers monuments funéraires nabatéens. C’est un Suisse qui découvrit le site en 1812, déguisé en arabe. Peut être démasqué, il retourne en Suisse pour annoncer sa découverte. En 1928, des français redécouvrent le site nabatéen et les premières fouilles débutent en 1929. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1982, je pensais la cité encore assez méconnue dans le monde ; mais quand, dès 7 heures du matin, j’ai vu les flots de touristes débarquer, ma surprise fut grande.
Petra place de la Khaznhé
C’est donc en longue procession que nous suivons le chemin avec les touristes italiens, jordaniens, anglais, japonais, chinois, russes (peu de français), agglutinés derrière leurs guides respectifs qui brandissent à bout de bras un panneau avec le numéro du groupe correspondant. Tous s’arrêtent aux mêmes lieux, écoutent le guide, photographient et se font photographier, les retardataires devront remonter la file en courant pour rejoindre leurs groupes qui, en tenue « d’Indiana Jones », croulant sous le poids du sac à dos et des appareils photos trépied compris ; d’autres en short et tee-shirt moulants et tongs, certaines en robe et talons hauts ou un masque anti virus H1N1 sur le visage (un peloton de chinois) !
Petra "Indiana Jones"
Petra les Chinois
Nous arrivons près des premières tombes nabatéennes « Djinn blocks » et un triclinium qui était un lieu où la famille festoyait après avoir honoré ses morts. Puis, en face de nous, se dresse un haut massif de grès rose qui nous traversons en empruntant un long défilé appelé «Siq ». C’est impressionnant, extraordinaire, magnifique ; je me sens écrasé dans ce couloir étroit, long de 1200 mètres et dont les falaises peuvent dépasser 100 mètres de hauteur.
Petra le Siq
Le soleil éclaire les sommets que l’érosion a travaillé en fonction de la nature de la roche depuis des millions d’années pour leur donner des formes creuses ou arrondies faisant apparaitre des couleurs différentes en fonction des couches sédimentaires. Le rose domine mais des veines brunes, ocres, jaunes, bleues, noires, blanches font des sillons parallèles qui font varier la tonalité en fonction de l’angle de vue.
Petra la roche rose
Quelques arbres réussissent à s’accrocher par endroit et leur feuillage vert rehausse encore le tableau ; c’est une beauté unique. De part et d’autre de la paroi, un canal est creusé dans la roche ; il distribuait l’eau dans la cité. En chemin, nous faisons la connaissance de Giovanni, sympathique italien de Savona près de Gènes ; il a travaillé quelques années aux chantiers de l’Atlantique à Saint- Nazaire sur le Majesty of the Sea pour le compte de son armateur. Il accompagne un groupe de romains et nous traduit le commentaire du guide. Arivederci Giovanni !!
De temps à autre, nous devons nous coller à la paroi pour laisser passer les carrioles tirées par des petits chevaux arabes et qui remontent vers la sorties les visiteurs fatigués. Au bout du long défilé de rochers, se dresse devant nous, jaune dans la lumière du soleil la «Khazneh », tombeau monumental, taillé dans la roche, devant être dédié à un souverain nabatéen. La Khazneh se trouve sur une place baignée de soleil où se retrouvent les « marchands du temple » avec dromadaires, ânes, chevaux, charrettes ; ce sont des bédouins qui ont occupé depuis très longtemps les tombeaux de Petra avant d’être délogés par les autorités ; mais certaines familles y vivent encore avec leur troupeau de chèvres et leur âne.
Petra la Kazneh
Les bédouins seraient les descendants des nabatéens qui eux-mêmes étaient des tribus nomades venues d’Arabie et parlent l’araméen. Ils développèrent le commerce de l’encens et de la myrrhe et firent de Pétra la capitale de la Nabatée et le centre des échanges commerciaux où aboutissent les pistes caravanières.
Les bédouins sont omniprésents dans Pétra ; ils y tiennent des petits commerces de bimbeloterie a tous les points de passage obligés des touristes. Durant nos trois journées de visite, nous suivrons cinq itinéraires différents qui nous feront découvrir le Siq et la Khazneh, la ville basse et les tombeaux de la Kubta, le haut lieu d’El Madhbah, le Deir, le haut lieu de la Khubta.
Petra les Bédouins
Ce sont les points les plus remarquables proposés dans nos guides ; nous les avons suivis scrupuleusement en dix-huit heures de marche. L’immense nécropole nabatéenne est en soi une merveille car elle n’a pas été construite comme les nécropoles romaines par exemple, mais sculptée et creusée dans une roche monolithique se prêtant bien au travail des sculpteurs.
C’est pourquoi, quasiment indestructible, elle a résisté à tous les séismes de la région alors que les extensions romaines, plus tardives pourtant, se sont, elles, écroulées. Seuls les vents de sable et l’érosion chimique font disparaître petit à petit les sculptures des façades. Les itinéraires que nous avons empruntés nous ont fait découvrir des points de vue magnifiques sur de désert du Néguev et Israël notamment, sur le site du Deir, monastère nabatéen, utilisé par la suite par les byzantins qui en firent une église.
Petra le Deir
Lors de la visite des tombeaux de la Khubta, il faut par endroit faire un peu d’escalade pour atteindre une plate forme qui nous fait dominer la ville basse. Une fois sur la plate forme, je suis tenté par l’escalade d’un groupe de rochers d’où le point de vue doit être, de toute évidence, encore plus intéressant. La grimpe est sportive et, assis sur mon caillou, je récupère de mes efforts et admire le panorama. Il n’y a plus personne à ces hauteurs sauf moi mais par pour longtemps car des mains puis une tête apparaissent et, dans un dernier effort, le reste du corps de Marine, une jeune et jolie Suissesse de Genève avec qui je ferai connaissance en français, chose rare en ces lieux et à cette altitude.
Petra la montée vers la Khubta
Le circuit menant au haut lieu d’el Madhbah est une longue montée par des escaliers assez raides et des chemins sablonneux ; nous abordons le lieu de culte en plein air sur un sommet où étaient perpétrés des sacrifices. Le passage en bordure des précipices et l’escalade finale par les rochers représentent pour Jo un réel exploit. Sujette au vertige et pas particulièrement sportive, celle-ci est arrivée au sommet grâce à un effort de volonté remarquable. Je suis fier d’elle.
De cet endroit, nous avons une vue imprenable sur les montagnes environnantes dont le Jebel Harun au sommet duquel est installé le cénotaphe de Aaron. Nous sommes sur l’esplanade taillée dans la roche par les nabatéens, lieu de culte d’une longueur de 60 mètres environ. Un bassin creusé par évidement du rocher recevait l’eau ; à côté un petit podium devait servir de reposoir aux bétyles portatifs, sculptures de pierre représentant les dieux nabatéens, transportés jusqu’ici par les processionnaires.
Petra lieu de sacrifices la Madhbah
A gauche du podium, l’autel des sacrifices ; on y accède par trois marches, un bassin cylindrique qui servait pour immoler les animaux, un petit canal creusé dans la roche servait à l’écoulement du sang, une petite citerne était utilisée probablement au lavage des outils. Au bout de l’esplanade, on parvient à un surplomb qui donne un point de vue magnifique sur la montagne et un profond canyon ; deux mains, une tête puis dans un dernier effort, le corps entier de Marine, la jolie Suissesse apparaît sur le surplomb. Elle a grimpé les rochers depuis le côté opposé laissant sa maman et son frère sur une plate forme un peu plus loin afin de faire son exercice favori.
Petra La Kubtah, la maman et le frère de Marine
Nous somme surpris de nous retrouver ainsi pour la seconde fois, par hasard, au sommet d’une montagne. Sur quel sommet nous rencontrerons-nous la prochaine fois, si prochaine fois il y a ? Seul Dushara et Al Uzza, dieux nabatéens le savent !
En revenant vers le théâtre, au cœur de la ville, il faut passer sur un pont de pierres qui enjambe le Wadi Musa dont les berges ont été renforcées après une crue importante qui a emporté 22 touristes français en 1963 ; aujourd’hui, la rivière est complètement à sec et l’eau est le problème de la Jordanie.
Partout où l’on marche, on trouve des morceaux de poterie et de vaisselle en terre cuite. Les nabatéens, après les cérémonies festives qui avaient lieu dans les tricliniums ou les tombeaux, brisaient la vaisselle utilisée. Cette tradition, d’origine grecque, a été ramenée par les marchands au cours de leurs voyages commerciaux et est toujours pratiquée aujourd’hui dans les fêtes hellènes. J’ai personnellement assisté à ce spectacle lors d’un voyage en Crète.
Les riches marchands nabatéens se sont également inspirés des styles architecturaux des pays qu’ils traversèrent, pour la construction de leurs tombeaux dont le style grec que l’on retrouve partout dans Petra. Impressionnant également, le théâtre, entièrement sculpté dans la roche, il pouvait contenir 3000 spectateurs et date du tout début du christianisme.
Petra le théatre taillé dans la roche
Nous garderons de Pétra le souvenir d’un superbe site naturel remodelé par les hommes dans un environnement montagneux désertique et coloré. L’âme de ces tailleurs de pierres de génie n’y flotte plus depuis longtemps ; les quelques 800 tombes existantes, pillées, vidées, occupées, ne vibrent plus que du brouhaha du commerce touristique de masse. Les nabatéens croyaient que l’âme des morts flottait au dessus des tombes.
Du 5 au 15 janvier 2010
Coucher de soleil sur Aqaba
De Petra à Aqaba, nous pénétrons de plus en plus profondément dans le sud désertique de la Jordanie. Le paysage devient de plus en plus aride, le sable et les rochers de plus en plus présents. La lumière et la température évoluent dans le bon sens ; on devine la Mer Rouge derrière les premiers immeubles de la ville, véritable oasis dans ce désert minéral. Les rues d’Aqaba sont larges, généralement à trois voies, bordées de palmiers et de bougainvilliers en fleurs. La circulation y est aisée, ce n’est pas l’anarchie des autres villes. Nous faisons une courte halte pour quelques courses dans un shoping center et, par la route côtière qui mène à la frontière saoudienne, nous nous dirigeons vers les plages du sud.
Aqaba la ville
Nous longeons le port marchand, le port des containers, immenses installations modernes où mouillent de gigantesques cargos, le terminal passagers et ses ferrys, les immenses plages de « Marine Park » et ses parasols à perte de vue puis les hôtels de luxe et leurs plages privées clôturées et gardées comme des camps militaires.
Nous atteignons notre camping en milieu d’après midi, nous y sommes seuls avec la Mer Rouge pour horizon. La Mer Rouge, comme son nom ne l’indique pas, est d’un bleu profond avec de larges taches émeraude, ponctuée de crêtes blanches car le vent du nord souffle allègrement. Il y a souvent du vent sur Aqaba d’après radio camping-car.
Aqaba la plage
Nous voyons Eilat, port israélien à l’extrême sud du pays et les monts du Sinaï égyptien sur l’autre rive. De gros bateaux entrent et sortent du golf pour alimenter les deux ports israélien et jordanien sous la surveillance des vedettes rapides des deux marines ennemies. Nous passons dix journées de vacances sur la plage que nous partageons avec les familles jordaniennes qui viennent s’y détendre en fin de semaine. En fait, la plage est un immense terrain de camping, les parasols sont squattés dès le matin et chaque famille s’y installe avec armes et bagages. Le barbecue est le premier installé, un gros sac de bois à portée de main pour l’alimenter, il fumera jusqu’à la nuit noire. Matelas et coussins disposés sur les grands tapis de laine posés à même le sable donneront une note bédouine à l’installation ; si le soleil est trop ardent, d’autres tapis seront accrochés au parasol formant ainsi un pare-soleil efficace.
Aqaba la plage
Les transistors à fond distillent une joyeuse cacophonie, les hommes boivent le thé allongé sur leurs matelas et à l’heure de la prière, ils se regroupent et, sur leurs tapis orientés vers La Mecque toute proche, ils se prosternent en psalmodiant les versets coraniques.
La plage est nettoyée chaque jour, des poubelles sont disponibles partout ; dans la semaine, peu de monde, nous sommes bien ici. Je vais plusieurs fois nager au-dessus des récifs coralliens avec masque et tuba ; c’est un enchantement, à quelques brasses du bord, je suis dans un aquarium marin parmi les poissons multicolores ; il suffit de se laisser porter par les flots et d’observer ce monde aquatique à fleur d’eau éclairé par le soleil. La Mer Rouge, à juste titre, est réputée pour ses coraux ; je ne suis pas un spécialiste mais je comprends combien il faut protéger ces lieux magiques ce que fait très bien la Jordanie même si on aperçoit ça et là pneus, canettes ou bouteilles au fond de l’eau, les coraux s s’en occupent.
Nous allons plusieurs fois à Aqaba en bus ou en taxi, les prix sont à la tête du client, il faut toujours négocier ; nous avons sympathisé avec Ahmed, chauffeur de taxi de son état ; nous utilisons ses services plusieurs fois, il est même venu nous chercher avec son véhicule personnel un jour de repos. Il fait bon se promener à Aqaba, ville symbole de la révolte arabe. Son drapeau flotte à 120 mètres de hauteur sur la marina, au pied du petit fort enlevé aux Turcs par les troupes de Fayçal en 1920 sous les ordres de T.E. Lawrence, le célèbre « Lawrence d’Arabie ».
Aqaba le drapeau de la révolte Arabe
Sur la plage, nous faisons également la connaissance de Del, jeune canadien de 18 ans qui, en rupture familiale, est parti, sac au dos de son Yukon natal pour visiter le monde. Il se dirige vers l’Inde, à pieds, en stop, en bus. Il trouve quelques heures de travail par ci, par là pour vivre et nous passons quelques instants avec lui. Nous avons un peu de mal à le laisser reprendre sa route.
Del le canadien
15 et 16 janvier 2010
Nous reprenons également notre route en laissant derrière nous le ciel bleu, le soleil blanc et la Mer Rouge d’Aqaba pour commencer notre lente remontée vers l’Europe. Nous reprenons l’autoroute du désert qui va vers Amman et au bout de 30 kilomètres, nous bifurquons sur notre droite, direction le « Wadi Rum ». C’est une belle route qui mène vers le désert rendu célèbre par David Lean, réalisateur du film « Lawrence d’Arabie » et la belle musique de Maurice Jarre.Ce film, dans sa version longue, Jo et moi l’avons visionné une dizaine de fois, il faisait partie de nos bagages jusqu’à Bosra où il a changé de camping-car pour rejoindre celui de la famille Mayet à qui nous l’avons donné. C’est lui et nos amis Guy et Carmen qui nous ont donné envie de faire ce voyage. Nous avons beaucoup rêvé devant notre écran d’immensité désertique, de ciel étoilé, de solitude et de soleil sur les « 7 piliers de la sagesse », la montagne qui marque l’entrée du Wadi Rum.
Les sept piliers de la sagesse Wadi Rum
Au bout d’une trentaine de kilomètres, la route est fermée et il faut passer par la case « Visitor’s Center » pour le droit d’entrée : 4 JD par personne et 5 JD pour le camion et l’on peut franchir la porte du désert. Le Wadi Rum est le domaine des bédouins qui en organisent le commerce dans cette zone protégée depuis 1998. Une trentaine de campements y sont répartis et les touristes peuvent étancher leur soif d’aventure depuis la petite promenade dans la mer de sable, sac au dos, jusqu’aux grande méharées de plusieurs jours et nuits en passant par les raids en 4 x 4.
Les dromadaires du Wadi Rum
Nous parquons notre camion à l’entrée du village de Rum sur un parking pour bus gardé par la police touristique. Le soleil qui descend derrière nous embrase les roches de grès rose des falaises qui nous font face. Il fait chaud, nous sommes bien, nous regardons vivre les dromadaires en liberté surveillée, les pates avant entravées, ce qui leur donne une démarche ridicule, loin de l’image idyllique des « vaisseaux du désert » sillonnant les mers de sable.
Je suis un vaisseau du désert Na!
Le village est constitué de petites cours, entourées de maisons basses en moellons, le tout ceint de murs coupe-vent qui cachent la misère. Mosquée, poste de police, petit casernement militaire, école complètent ce petit bourg de trois à quatre cents personnes. Les 4 x 4 Toyota antédiluviens cabriolent dans le sable en laissant de profondes traces qui convergent loin, là-bas vers le désert en un véritable réseau routier.
4x4 du Wadi Rum
En fin de soirée, le parking se métamorphose en terrain de football où les bédouins s’affrontent amicalement, mais pas trop dans une partie acharnée, ponctuée de cris et vociférations jusqu’à la nuit tombée.
Match de foot à Rum
Nous partons, sac au dos, pour une longue promenade dans le désert de Wadi Rum après une nuit calme et reposante. Il faut quelques minutes pour traverser le village en repoussant, avec le sourire, les offres de service des bédouins et atteindre les premières pistes de sable. Nous marchons tout droit, sans but précis, privilégiant les zones de sable dur plus faciles à pratiquer.
Jo dans le désert
Plus on s’enfonce dans le désert, plus le silence s’installe, plus le paysage s’ouvre à l’infini. Nous croisons de petits troupeaux de dromadaires, la plupart entravés ; ils divaguent dans la plaine sablonneuse où ils se nourrissent d’épineux ; les petits sont collés à leurs mères qu’ils ne quittent pas des yeux. Les propriétaires des troupeaux ont leur campement au loin, là-bas, à l’ombre des grandes falaises rougeâtres, sculptées par les vents de sable ; elles nous renvoient, amplifiés, les bruits de leur vie quotidienne.
Les falaises de Wadi Rum
Le vent du nord souffle légèrement et régulièrement sur le désert, la température est douce et agréable, il fait bon marcher ainsi. Nous apercevons quelques promeneurs au loin qui, comme nous, ont préféré la marche aux 4 x 4 bringuebalants, chargés de touristes que nous croisons de temps à autre. Après trois heures de bonne allure, nous sommes vraiment seuls dans le silence du Wadi Rum ; il n’y a rien à l’horizon que le sable et les rochers. Jo est sereine sous son sheich blanc.
De retour au village, nous délaissons la route centrale pour louvoyer dans les ruelles ; c’est l’heure de la prière et la montagne renvoie l’écho du chant du muezzin alors que l’ombre gagne, c’est d’une rare beauté ; nous attendons, en silence, la fin du concert, les yeux brillants d’émotion. Fourbus mais heureux, nous regagnons notre camion mais, tout de même, je me dis, en voyant le village et ses abords que « El Aurens » doit se retourner dans sa tombe.
Wadi Rum quand le 4x4 remplace le dromadaire
17 et 18 janvier 2010
Notre but, aujourd’hui, est de rejoindre la Mer Morte que nous avons volontairement oubliée lors du voyage aller. Donc, nous rejoignons la route du désert tandis que la cueillette des tomates bat son plein dans les champs irrigués à la sortie du « Visitor’s Center ». Les tentes des réfugiés palestiniens sont plantées aux abords des cultures ceux-ci sont une main d’œuvre bon marché pour les propriétaires jordaniens. Les tomates poussent à même le sol et les femmes, cassées en deux, remplissent les cagettes qui sont transportées par les hommes vers le camion bariolé Toyota au bout du champ qui ira gonfler le flot de ses congénères sur l’autoroute qui mène à Amman.
Champ de tomates à Rum
Cette quatre voies, nous la connaissons et la suivrons jusqu’au croisement de la N50 qui nous fait repasser par Kerak afin de rejoindre la route 65 de la Mer Morte. Depuis Kerak, nous plongeons vers Potash City dans un paysage de canyons et de ravins sur fond de montagnes jaunes et arides. Les lacets serrés de la chaussée et le pourcentage de la pente nécessitent toute l’attention et les freins très sollicités de Totor chauffent.
La route de la Mer Morte
Il faut dire que les rives de la Mer Morte sont situées à – 370 mètres sous le niveau de la Méditerranée, c’est le point habité le plus bas de la planète. Quand nous apercevons la Mer Morte, c’est d’abord les immenses marais salants de Potash City que nous voyons, le sel est maintenant exploité, la mer ayant libéré 350 km2 de superficie suite au pompage des eaux du Jourdain et de ses affluents.
La Mer Morte
Nous longeons la mer, immense lac d’eau saumâtre, par la seule route côtière, côté Jordanie. La surface de l’eau est quasiment immobile tant la concentration en sel (33 %) est importante. Les couleurs sont magnifiques, d’un côté, les falaises rouges, de l’autre, les bleus marins ; les rives de la mer : une poubelle. Nous sommes écœurés, il y a ici une des merveilles géologiques de la planète, sa mort est programmée à moins de quatre siècles par les experts malgré des projets cyclopéens d’adduction d’eau depuis la Méditerranée.
Plage de la Mer Morte
Les plages sont des décharges sauf devant les hôtels de standing qui les préservent pour des raisons évidentes de commerce. Nous nous installons sur le parking de l’unique plage publique de la Jordanie, celle d’Amman Tourist Beach où pour 10 JD nous avons l’eau et l’électricité. L’eau, nous l’avons toute la nuit car des orages ont éclaté en début de soirée et vers 6 heures du matin, nous devons déménager à l’autre bout du parking, celui-ci étant noyé. La rallonge électrique mise à notre disposition a disparu sous l’eau et chose étrange, nous avons toujours du courant.
Le parking de "Amman Tourist's Beach"
Le soleil revenu, nous souhaitons tenter une immersion dans la Mer Morte afin de vérifier le théorème de Pythagore : « tout corps plongé dans un liquide….. » mais il faut passer par la porte de l’hôtel et à raison de 15 € par personne, nous déclinons et remettons le test de flottaison à une date ultérieure, d’autant que la couleur de la mer remuée par les orages est plutôt du genre brunâtre. Nous allons donc à pied parmi les ordures le long de la plage, à l’extérieur du site « Amman Touriste Beach » en quête d’un espace épargné par la pollution.
Jo sur la plage de la Mer Morte
Nous observons des pierres enveloppées dans leur gangue de sel, les sillons de sel poussés sur le sable par le clapotis de l’eau et dans les rochers, les dépôts salins témoins de l’époque où la mer arrivait jusque là, soit environ + de 5 mètres par rapport au niveau actuel. En face de nous mais sur l’autre rive, les monts de Judée, à l’extrémité nord, Jéricho dont nous voyons les immeubles et un peu plus loin, à l’ouest, Jérusalem dont nous apercevons les lumières dans la nuit.
Le sel sur les cailloux Mer Morte
Les pieds dans les ordures, nous renonçons et retournons à notre camion d’autant que la pluie se remet à tomber. Nous faisons la connaissance de « Detlef », professeur de physique-chimie dans un collège d’Allemagne qui, à bord de son camion militaire vert transformé par ses soins, s’offre une année sabbatique pour voyager sans sa femme. Nous visitons son camping-car « Wermachtien »* et parlons voyages comme de bien entendu ! *vert martien
Coucher de soleil sur la Mer Morte
19 janvier 2010
Nous reprenons la route de la Mer Morte en sens inverse pour le pont du Wadi Mudjib (l’Arnon biblique) qui, en ces temps d’orage, est un torrent impétueux d’eau rouge qui plonge dan s la mer après avoir traversé les falaises des monts du Moab. Un canal remonte dans les gorges pour arriver sur une vanne qui permet de délester le Mujib et d’alimenter une usine de retraitement des eaux quelques kilomètres plus loin.
Le Wadi el Mujib Mer Morte
Les poissons charriés par les eaux du torrent arrivent dans la Mer Morte et meurent en quelques minutes. Ils sont par la suite rejetés sur la plage, raides et gainés dans une croûte de sel. Ce pont métallique a remplacé le précédent emporté par les crues du Mujib ; les restes sont encore présents dans son lit. Après une grande cascade, l’eau boueuse se mélange à la mer pour former une immense zone troublée et brunâtre visible à des kilomètres à la ronde.
Le Wadi el Mujib Mer Morte
Nous nous rendons ensuite tout au nord de la Mer Morte, sur les rives du Jourdain où fut identifié avec certitude en 1997 par les archéologues le village de Béthanie « au-delà du Jourdain où Jean baptisait ». Rome, en 1999 et Jean-Paul II en 2000, lors du jubilé, ont reconnu le site où une basilique est désormais en construction.
Béthanie les ruines de la basilique St Jean Bâptiste Veme siécle
Un peu avant Rome, l’église orthodoxe grecque a lancé la construction de l’église Saint Jean du Jourdain dont on aperçoit de loin les trois coupoles dorées. D’autres églises d’obédiences diverses sont terminées ou en cours de construction dont une mosquée, ce qui fera de ce site, dans les prochaines années, un haut lieu de la foi dans le monde, habilement exploité par la Jordanie.
Béthanie Eglise orthodoxe St Jean du Jourdain
Pour atteindre le site, nous devons passer par le « Visitor ‘s Center », payer 7 JD par personne non jordanienne ou de langue arabe (les tarifs sont très différents) ; discrimination très mercantile à mes yeux. Nous grimpons dans le camion Ford à 15 places assises dans la benne qui part du « Visitor’s Center » toutes les demi-heures ; il nous dépose 15 kilomètres plus loin, ce qui dissuade les éventuels marcheurs.
A pied, nous suivons un itinéraire balisé, genre labyrinthe qui nous mène à environ 2 kilomètres, sur les ruines de l’église St Jean élevée vers le 5è ou le 6è siècle en l’honneur du baptiste et 300 mètres plus loin, sur le Jourdain, lieu du baptême du Christ à proprement parler. Au loin nous apercevons une grande croix au sommet de la colline où Elijah fit son ascension au paradis.
Béthanie le labyrinthe
Surprise, le Jourdain que j’imaginais très large et profond n’est en fait qu’un « pipi de chat » d’eau boueuse ; sur l’autre rive, de grandes installations touristiques pour les clients israéliens ; les drapeaux bleu ciel frappés de l’étoile de David flottent au vent et narguent les étendards jordaniens de l’autre bord. Miradors et hommes en armes se font face, véhicules blindés et mitrailleuses s’observent ; assurément, nous sommes bien sur la terre de paix et d’amour pour laquelle sont morts et mourront encore des millions de fanatiques et d’innocents ; à bien y regarder, la couleur du Jourdain est bien celle du sang.
Béthanie Israël sur l'autre rive
Trois grâces à l’accent slave et au maquillage waterproof qui ont fait le voyage avec nous, sont allées revêtir dans une cabane en bois mise gracieusement à leur disposition, une aube d’un blanc immaculé. Elles se sont dirigées par le ponton en bois spécialement installé vers le ru rouge sous l’œil avide de la garde royale car on voit par transparence les dessous colorés de ces naïades. Elles ont plongé par trois fois leur corps de nymphes dans les eaux sacrées en se signant à la mode orthodoxe et sont remontées, pétrifiées par le froid dans leur aube terreuse plaquée à leurs formes. Pour un peu, nous aurions applaudi à cette démonstration de foi intense si les circonstances eussent été différentes.
Nous avons repris le camion benne Ford qui, à grande vitesse, nous a ramenés et déposés derrière le « Visitor’s Center », nous obligeant ainsi à traverser les boutiques de souvenirs, médailles, eau bénite, chapelets et les habituels produits locaux tels que tapis, foulards, sacs, colliers, bagues, made in China. A l’entrée, nous avons retrouvé notre camion benne Ford en plein chargement, ainsi va le commerce. Ainsi soit-il !!
-
Commentaires